Le secteur du transport public retient, depuis quelque temps, toute l’attention. Pas plus tard que le 29 janvier dernier, et suite à une séance de travail, de multiples et importantes mesures ont été prises dans le souci de garantir un envol qualitatif des services dispensés. On parle ainsi de la mise en circulation, d’ici à juin 2025, de 750 bus et de l’exploitation de 250 lignes régulières. En ce qui concerne le métro, les projections tablent sur la remise en état, d’ici septembre 2025, de 74 rames.
La Presse — Tous les indicateurs confirment que le transport public n’arrive plus, malgré la bonne volonté politique et tous les efforts consentis, à s’aligner sur les exigences aussi bien actuelles que futures de notre modèle de développement socioéconomique.
On a l’impression même que ce secteur est à l’agonie, tellement son incapacité de se réorganiser est bien manifeste
Ainsi, d’une locomotive de l’économie tunisienne, cette activité s’est transformée en une charge de plus en plus lourde pour le budget de l’Etat. L’hémorragie financière est tellement importante que la Sociétés des Transports de Tunis, Transtu, se retrouve aujourd’hui incapable de maintenir son opérationnalité sans l’intervention assez conséquente de l’Etat.
Et c’est surtout la politique de gouvernance qui est, en grande partie, mise en cause. Une gouvernance qui se traduit régulièrement non seulement par des manques à gagner mais aussi des pertes conséquentes.
Pour la seule composante billetterie, la Transtu accuse régulièrement des pertes énormes. Selon les statistiques disponibles, les pertes « s’élèvent quotidiennement à environ 1500 dinars, en raison de la non-perception des tickets » (resquille, complaisance, non-opérationnalité d’un grand nombre de guichets…).
En plus de cette question de billetterie, les attaques contre le parc et les actions de sabotage des lignes, devenues assez fréquentes ces dernières années, ont eu aussi de très lourdes conséquences financières, sans parler, bien entendu, de leurs incidences directes sur l’opérationnalité aussi bien des bus que du métro.
Et la situation devient même structurelle, car, pour contourner ces perturbations et cette irrégularité, les chauffeurs se retrouvent souvent contraints d’effectuer des dessertes surchargées pour limiter les dégâts. A ce stade, l’usager se retrouve systématiquement pénalisé notamment en termes de confort et de sécurité.
Repenser le mode d’exploitation
Toutefois, ce qui désole encore plus, c’est que les responsables de la Transtu, dans leur tentative de fuite en avant, placent souvent le citoyen comme le seul responsable des déboires de la société. Or, la réalité est tout autre, car l’implication de la société, entendre du personnel opérant, est totale. En effet, tout laisse croire que la Transtu est en mal de gouvernance, ce qui explique son incapacité à s’organiser, à anticiper et à se réinventer. Certains observateurs estiment que les dépassements et le vandalisme que subit le parc sont, du moins dans une grande partie, une réaction de cette mauvaise gouvernance.
D’ailleurs, le ministre du Transport a reconnu, lors de la séance de travail tenue le 29 janvier, la nécessité d’adopter un nouveau mode de gestion et d’exploitation professionnel.
Le mode suivi actuellement semble dépassé, ce qui justifie le vieillissement du parc, la défaillance au niveau de l’entretien et la maintenance, l’insouciance de certains chauffeurs, et les dépassements dans la gestion des bus et du stock des pièces de rechange.
On se rappelle justement, que lors de sa visite, le 25 novembre 2023, à l’entrepôt de la Transtu à Bab Saadoun, le Chef de l’Etat a mis à nu l’état alarmant de la situation tout en appelant à mettre rapidement un terme à tous ses dépassements.
Les réformes se présentent donc comme une urgence surtout que la situation financière actuelle de la Transtu est tellement difficile qu’elle ne lui permet plus de prétendre à un renouvellement de son parc, à une meilleure gestion de son parc ou de garantir une meilleure qualité de service.
On reconnaît en effet que les pertes substantielles de la société, associées à la stagnation des prix des titres de transport, l’augmentation du coût du carburant, l’envolée des prix des pièces de rechange et l’évolution de la masse salariale, ont fini par l’enfoncer dans une spirale d’endettement très critique. Les dernières statistiques (à prendre sous réserve faute d’actualisation) indiquent des dettes à hauteur de 2 millions de dinars.